En réalité, c'est un problème inhérent à l'ultralibéralisme justement. La loi et la justice ont pour rôle de protéger le plus faibles. Si, au nom de la liberté individuelle, tu supprimes toutes les règles (c'est la pensée fondamentale de l'ultralibéralisme), tu reviens sur toutes ces protections.
Si tout le monde était parfaitement gentil, il n'y aurait pas de problème, mais ce n'est pas le cas. Et c'est pire encore dans le monde actuel, où l'argent et le marché sont omniprésents et font écran entre les individus concernés : chacun peut être la cause de l'oppression d'autres sans même s'en rendre compte, simplement parce qu'il alimente un marché sans forcément savoir ce qu'il y a derrière.
C'est le cas ici de la GPA, mais ça s'applique à beaucoup d'autres choses (achat de vêtements de marque qui s'avèrent être produits par des gosses en Afrique pour un prix dérisoire, etc...).
Bref, sois prudent avec l'ultralibéralisme : il n'est pas bon de faire trop de règles, mais il n'est pas bon non plus de ne rien contrôler. Trouver le bon équilibre est en principe le rôle du politique, mais ça n'a rien d'évident.
Tu sembles dire que ceux qui font une GPA ou se prostituent pour de l'argent sont malhonnêtes... Il n'y a pourtant pas de question d'honnêteté : à partir du moment où tu considères que mettre ses organes génitaux à l'usage d'un autre c'est un "service" qui peut être rendu, si les deux parties sont consentants rien ne les empêche de passer un accord pour que ce service soit rétribué d'une façon ou d'une autre. Rien de malhonnête - à la limite, c'est même plutôt normal.Naceat wrote:Donc, je trouve ça assez "déplacé" de dire que la GPA est un marché très similaire à la prostitution car c'est totalement différent. Les prostituées le font pour l'argent et non pas pour procurer du bonheur aux autres.
Tandis que la GPA, il y aura certes des personnes qui le feront pour de l'argent (car il y a des personnes malhonnêtes de partout) mais d'autres qui le feront simplement pour offrir du bonheur aux gens.
Le problème ne relève pas de l'honnêteté. Le problème relève de la dignité humaine d'une part, et de l'exploitation d'autre part.
L'exploitation, elle est inévitable dès lors que la demande dépasse l'offre.
L'exemple de l'Inde est encore frappant d'ailleurs : la GPA y est autorisée depuis 2002 si je ne me trompe pas. Pourtant, en 2012 l'Inde a fait passer une loi interdisant la GPA a destination des couples homosexuels étrangers - pas pour des considérations sur les enfants en l'occurrence; simplement parce que cette demande explosait depuis quelques années, et que s'ils avaient laissé ce marché prospérer la condition des femmes (devenant de fait un "produit de masse", aussi horrible que ce soit à dire) serait encore pire que ce que j'ai précédemment décrit.
La question de la dignité humaine est subjective, mais je tiens à rappeler une chose : à mes yeux en tout cas, en soi faire l'amour n'est pas un acte plus ou moins digne que porter un enfant.
Tu parles du cas où tu vois des gens qui ont l'air tristes de ne pas avoir d'enfant et tu te proposes de porter le leur : fondamentalement, c'est la même chose que de croiser un mec qui a l'air seul et triste et d'aller lui faire l'amour... Peut être n'y vois-tu aucun problème, et c'est ton droit; moi je trouve ça assez déprimant.
Premièrement, je fais une distinction très nette entre fabrication d'un enfant orphelin (par PMA et GPA) d'une part, et adoption d'un orphelin d'autre part.Yerim wrote:Qu'en est-il de l'adoption par les couples hétérosexuels, dans cette vision des choses ? Et l'adoption par des couples homosexuels aurait-elle un statut différent ?
Tous mes pavés précédents concernent la PMA et la GPA, et des fois que ce ne soit pas clair dans mes propos, j'y suis opposé pour des couples hétéros comme homo.
Dans les deux cas, l'enfant est conçu dans le seul et unique but de combler un manque dans un couple... or le droit à l'enfant n'existe ni pour les uns ni pour les autres, et l'enfant n'est pas un médicament ni un remède miracle pour la tristesse des uns ou des autres.
Le problème, c'est que ces pratiques qui étaient autrefois marginales (très peu de couples hétéros en ont besoin, de fait) deviennent institutionnelles dès lors qu'on reconnaît un "droit à l'enfant" aux couples homosexuels : pour ces derniers, c'est le seul moyen d'avoir un enfant, hormis l'adoption d'orphelins déjà existants (mais il n'y en a pas assez pour tout le monde, si on peut dire ça comme ça...).
Concernant l'adoption d'un enfant qui a perdu ses parents, c'est très différent.
@Naceat : cette partie répond aussi à ta première question.
Tout d'abord, il faut encore le rappeler : il y a plus de couples prêts et agréés à l'adoption que d'enfants adoptables en France. L'argument "il vaut mieux des parents gays que pas de parents du tout" n'a donc pas cours.
La seule question qui a lieu, c'est de savoir ce qui est mieux pour l'enfant.
Un premier point : je me répète mais l'enfant n'est pas un médicament ni un remède miracle pour la tristesse des uns ou des autres.
D'abord, parce que ce n'est à mon avis pas efficace : l'enfant accompagne et renforce un mariage heureux, il ne le précède pas. Si un couple ne parvient pas à être heureux sans enfant, ce n'est pas un enfant tombant du ciel qui va subitement régler le problème.
Mais surtout, l'intérêt de l'enfant lui-même est d'atterrir dans une famille heureuse, et non pas d'atterrir dans un couple de gens malheureux - même si ceux-ci attribuent leur tristesse au manque d'enfant...
Bref, je proposerais en priorité l'enfant à l'adoption par des familles qui se disent prêtes à adopter, sans pour autant demander un enfant avec insistance, puisqu'elles sont moins susceptibles de voir l'enfant comme un moyen de combler leur manque. En général, ce seront des familles ayant déjà des enfants...
Deuxième point : là, ça relève d'une conviction beaucoup plus personnelle, déjà moultes fois exprimées ici par le passé mais redisons-le.
Pour moi, une femme n'est pas interchangeable avec un homme : je n'ai pas la même relation avec mon père qu'avec ma mère, et ils n'ont pas eu le même rôle dans mon éducation. Pour le coup, à peu près tous les psychologues reconnaissent que l'enfant a besoin de références masculines et féminines pour se construire.
Cette altérité est fondamentalement manquante dans un couple homosexuel.
Lors du vote de la loi, certains psychologues ont dit "et alors, il se construira ses repères féminins et masculins auprès d'autres personnes que ses parents" : peut être... mais pourquoi aller chercher aussi loin quand ce n'est pas nécessaire ?
Lorsqu'il y a tellement de couples disponibles pour lesquels la question ne se pose pas, pourquoi placer délibérément l'enfant dans un environnement où il a une difficulté supplémentaire ?